Graduate Program : un outil stratégique pour séduire la Gen Z ?
- lundi 30 octobre 2023
- Nora Leon
Le Graduate Program doit-il se réformer pour continuer à séduire de jeunes talents ? Zoom sur cette modalité de recrutement particulière, a priori plébiscitée par les jeunes diplômés.
Le Graduate Program, passerelle dorée des décideurs de demain, doit-il se réformer ?
Le message est on ne peut plus clair : la Gen Z réclame du sens au travail. Les premiers, les diplômés d’AgroParisTech ont exhorté leurs camarades de promo à délaisser les jobs « nuisibles ». « Ne perdons pas notre temps. Et surtout, ne laissons pas filer cette énergie qui bout quelque part en nous. Désertons ; bifurquons », ont-ils déclaré. Ils ont été suivis par d’autres jeunes, toutes écoles et universités confondues, jusqu’à la récente vidéo publiée par de jeunes diplômés qui défient Total de sortir des énergies fossiles. Ces écoles étaient un vivier RH pour les grands groupes : ces réactions réticentes font donc du recrutement un défi.
Les RH questionnent leurs pratiques et redoublent d’inventivité pour convaincre les jeunes diplômés de les rejoindre. Le Graduate Program est-il un outil prometteur pour embaucher la Génération Z ou un coup d’épée dans l’eau ? Qu’attendent de lui les leaders de demain ? Radiographie.
Graduate Program : recruter autrement, mieux recruter ?
Vu le niveau de démissions « historiquement haut », selon la Dares, qui avoisine les 2,7% de salariés — un chiffre record depuis la crise de 2008 — c’est peu dire que les RH ont chaud. Le quiet quitting complète le tableau, phénomène où les salariés font pile ce qu’on attend d’eux sans conviction, basta. Selon une étude récente de Gallup, 21% des actifs internationaux seraient engagés au travail, contre 6% seulement en France…
Le Graduate Program semble donc rester un outil de choix pour recruter les talents du haut du panier, les engager fortement dans l’organisation et les fidéliser.
À quoi ressemblent la majorité des Graduate Program ?
À une grosse année de sports études, option « accélération champignon » dans Mario Kart.
- 20 à 60 candidats prometteurs en moyenne sont sélectionnés via un processus de recrutement plutôt musclé ;
- Ils sont placés dans un premier poste et effectueront une rotation sur plusieurs fonctions pendant 1 à 2 ans généralement. L’occasion de découvrir l’entreprise et ses métiers mais aussi d’explorer leurs aspirations dans un environnement stimulant, car les responsabilités affluent dès la prise du premier poste ;
- L’idée est, une fois le poste définitif pris au terme du programme, de devenir les décideurs de demain au cœur de l’organisation.
Quels avantages pour l’employeur ?
Selon Romane, les entreprises recrutent des top profils grâce au Graduate, qu’ils forment pour devenir polyvalents et prendre n’importe quel poste dans le groupe.
- Le prestige de ces places aux « beaucoup d’appelés, peu d’élus » donne l’occasion de complexifier le processus de recrutement afin de tester les talents et minimiser le risque ;
- Les rotations sont utiles pour observer les capacités d’un jeune sur un poste donné ;
- Le statut particulier des Graduates les fidélise par rapport à l’entreprise, car ils sont mieux rémunérés que la moyenne et savent qu’une carrière prometteuse les attend s’ils font leurs preuves.
De fait, ces menues promotions représentent une masse minime dans l’entreprise (25 à 30 personnes sur 800 salariés chez URW en France). Mais elles peuvent être un réservoir de talents structurant si elles sont efficaces pour convaincre les talents de demain. Et justement, comment y parvenir ?
Gen Z et Graduate Programs, leurs attentes
« Au terme du Graduate Program, j’attends un beau salaire, de la considération, une formation d’excellence, un réseau et des perspectives de carrière », témoigne Romane.
À la faveur de la crise des talents, le rapport de force recruteurs-talents se renverse et les revendications des jeunes diplômés se précisent.
- Contribuer positivement aux enjeux sociétaux et environnementaux.
92% des jeunes pensent que les entreprises ont un rôle à jouer à l’égard des grands enjeux sociaux, sociétaux et environnementaux. 77% considèrent que l’impact sociétal sera un critère déterminant dans le choix de leur emploi. 56% seraient fortement incités à rejoindre une entreprise pour sa raison d’être (Mazars, 2022).
« Les entreprises sont les principaux acteurs de l’économie. Elles ont les moyens de façonner le monde, si leur objectif dépasse un enrichissement privé ». * (Les citations avec une étoile sont anonymes et proviennent de l’étude Mazars/EDHEC, 2022).
« L’attention portée à l’environnement fait partie de la charte URW. Nous sommes incités à utiliser les mobilités douces pour venir au bureau, nous avons participé à une fresque du climat, il y a un parking à vélos avec des bornes de rechargement électriques. Chaque salarié suit aussi une formation sur l’impact de l’entreprise dans le monde et comment minimiser les externalités négatives. C’est important pour moi que cette réflexion existe et soit diffusée dans l’entreprise », explique Romane.
- Infléchir les activités des entreprises pour le bien commun.
« J’ai travaillé sur le projet de la Tour Triangle, un bâtiment de 180 mètres de haut à porte de Versailles signé Herzog et de Meuron. Le projet a une dimension d’économie circulaire. Par exemple, URW a choisi des matériaux issus du réemploi pour les dalles du plancher ou encore l’usage du béton bas carbone. Une fois le bâtiment construit, l’énergie proviendra en partie de la géothermie et de panneaux solaires… Tout cela a été pensé dès la création du projet », raconte Romane.
« Mon objectif principal est de remettre en question le statu quo et de pousser les entreprises à opérer les changements urgents qui s'imposent, notamment en matière d'environnement ». *
- Accorder les valeurs de l’entreprise aux leurs.
« Chez Unibail, nous avons de plus en plus de preneurs qui proposent de la seconde main : Kilo Shop Kawaï, Emmaüs, au forum des Halles les gens peuvent venir déposer leurs anciens habits au kiosque Second Life. Je trouve que c’est dans l’air du temps », commente Romane.
« Je n'ai pas de ‘métier idéal’. En revanche, j'ai peut-être une ‘entreprise idéale’. Je veux travailler dans une entreprise dont la culture correspond à mes valeurs : égalité, méritocratie, entraide, transparence et loyauté ». *
- Apprendre en continu.
« Le Graduate Program t’aide à devenir polyvalent. Pour y parvenir, tu changes de poste souvent. Les évolutions horizontales sont particulièrement fréquentes. Si tu es manager, tu pourras rester à ce niveau de responsabilités dans un autre métier », selon Romane.
« Je voudrais avoir toujours l’impression de progresser et ne pas tomber dans une routine ». *
- Être financièrement à l’abri.
Sans surprise, le salaire et les avantages en nature restent des moteurs forts, bien qu'ils arrivent après le sens et la QVT.
« Le salaire d’entrée en Graduate Program est attractif, ce qui constitue également l’un de ses atouts. Nous avons aussi des chèques vacances, un comité d’entreprises et d’autres avantages », précise Romane.
« J'aspire à une carrière qui me procure une certaine sécurité et liberté financières, mais aussi un environnement stimulant et dynamique, qui ne se limite pas à rester assis derrière un bureau ». *
Des programmes toujours attractifs pour les jeunes diplômés
Au niveau des rotations, 4 mois lui semblent courts. « Pour peu que tu tombes l’été, tu as deux mois plus calmes. À Noël, 2 semaines OFF. Il vaudrait mieux rester en poste six mois ». Une fois le programme terminé, elle préconise aussi la possibilité du télétravail, car la génération Z est particulièrement sensible à cette flexibilité.
Le défi à son sens est la rétention post-graduate. « Beaucoup partent à la fin, toutes entreprises confondues. Retenir les talents passe par le salaire, l’attribution d’un poste en accord avec les attentes de la personne, les perspectives d’évolution, l’ambiance de l’entreprise et la qualité du management ». Et la jeune femme de conclure, tout sourire : « dans l’ensemble, les Graduate Programs sont une chance. Ce sont de vrais accélérateurs de carrière ».
Sources :
Appel à déserter des diplômés d’AgroParisTech, mai 2022 (lien).
« La France vit-elle sa Grande Démission ? », Dares, 11 octobre 2022 (lien).
« Après la grande démission, de plus en plus d’adeptes du Quiet Quitting en entreprise », France Info, 22 août 2022 (lien).
Étude Gallup, State of the Global Workplace, 2022 (lien).
« NewGen NewJob, enjeux du premier emploi », EDHEC Business School et Mazars, mars 2022 (lien).
Témoignages : * Témoignages anonymisés issus de l’étude Mazars - EDHEC Business School, Janvier 2022.
Crédit photo : Unibail-Rodamco-Westfield