AccueilLe Gen Z LabLes entretiens différés ou asynchrones : nouvelle manière d’appréhender les soft-skills

Les entretiens différés ou asynchrones : nouvelle manière d’appréhender les soft-skills

  • samedi 28 octobre 2023
  • Auguste Dumouilla

Alors que la visioconférence poursuit son essor, les entretiens d’embauche en vidéo différée ont la côte. Davantage structurés et plus égalitaires, ce nouveau type d’entrevue permet aux recruteurs de mieux appréhender les soft-skills. Analyse.

Comment se passe un entretien vidéo différé ? L’entreprise qui recrute rédige ses questions qui sont ensuite enregistrées sur une plateforme. Les candidats se connectent à la plateforme en utilisant un lien envoyé par l’entreprise. Ils doivent alors répondre généralement à une dizaine d'interrogations qui leur sont posées par un robot. Dans la plupart des cas, pour chacune des questions, les candidats disposent d’une minute de préparation pour élaborer leurs réponses et un temps de réponse de deux minutes pendant lequel ils sont enregistrés. Les recruteurs visionnent ensuite les réponses et sélectionnent les profils qui les intéressent.


Des entretiens structurés et plus égalitaires

Tout d’abord, et c’est l’un de leurs principaux mérites, ils sont structurés. Aussi, ils ne laissent aucune place à l’improvisation et garantissent au recruteur que toutes les questions, notamment celles destinées à détecter les soft-skills, seront traitées. Combien de fois durant un interview en face-à-face, le recruteur sera entrainé dans une longue discussion sur un point particulier qui réduira d’autant le temps pour en aborder d’autres tout aussi voire plus importants ? L’absence d’interaction et d’humanité, que certains pourraient regretter avec cette approche, permet en outre de comparer les candidats sur la base de questionnements identiques.


Un mode d'entretien affranchi des biais cognitifs

L’entretien asynchrone pourrait-il également éviter ce que l’on appelle le biais de l’effet de récence, qui peut empêcher le recruteur d’avoir une vue d’ensemble des points de discussion ainsi que les biais cognitifs que peut avoir un recruteur (sympathie, méfiance, préférence pour des individus ayant des parcours qu’il affectionne davantage) ?


En outre, le principal avantage de l’interview différé est l’affranchissement du CV en concentrant l’analyse sur la personnalité, le comportement, les motivations et la manière dont le candidat va démontrer son aptitude à occuper le poste sur la base de questions et de mises en situation préparées à l’avance. « Toutefois il est impératif de bien les concevoir » précise Anna Cook du CERN. « S’agissant de profils jeunes diplômés, les entretiens vidéo asynchrones sont extrêmement délicats. Parce que selon la manière dont on aura formulé des questions justement destinées à faire exprimer des expériences et des histoires qui permettent de faire ressortir leurs soft skills, ce qui marchera pour un jeune allemand ne fonctionnera peut-être pas pour un jeune Espagnol. Et il n’y a pas de “one size fits all” en la matière »

Aussi, il sera nécessaire d’adapter les trames de questionnements aux différentes catégories de publics, de fonctions. Ceci peut représenter un travail particulièrement lourd dans les grandes organisations ayant plusieurs centaines de métiers différents avec de surcroit des contextes culturels propres à chaque pays. Et que dire des PME peu outillées pour élaborer des grilles de questionnement. En tous les cas, c’est un exercice auquel les jeunes diplômés ne sont pas encore bien préparés.


Des recrutements plus diversifiés

Dans un sondage réalisé au premier semestre 2020 auprès de candidats ayant eu un entretien vidéo différé, Easyrecrue indique que seuls 20 % en avaient déjà un interview différé. « Ceci a d’ailleurs conduit un certain nombre d’universités britanniques à offrir à leurs étudiants de les y préparer » précise Tristram Hooley de l’Institute for Student Employers. D’ailleurs, LinkedIn a lancé en parallèle de son offre « LinkedIn intro video feature » destinée à évaluer les soft skills et propose des ressources pour les candidats qui souhaitent s’y familiariser. Alors que cette pratique d’évaluation est très certainement appelée à être adoptée par de plus en plus d’organisations, un autre facteur pourra contribuer à accélérer son adoption : celui de la protection des données privées. En Allemagne par exemple, il est interdit d’enregistrer les entretiens vidéo live. De plus, le candidat doit donner son accord alors qu’il n’est pas nécessaire pour un entretien téléphonique. Le choix lui revient donc. Les entretiens vidéo asynchrones seront-ils appelés à remplacer les entretiens en direct ? Il est très plausible qu’ils seront de plus en plus utilisés, notamment par la facilité qu’ils apportent aux organisations recrutant des profils à l’étranger et pour leur capacité à accroitre la diversité.

Chez Bertelsman, Pamela Taylor a pu constater combien cette solution a permis d’élargir le scope géographique des candidatures et contribuer à la diversité. « Bertelsmann utilise des interviews vidéo asynchrones principalement pour notre événement Talent Meets Bertelsmann. Les candidats n’ont pas besoin de se déplacer avec les coûts que cela peut engendrer, ni de prendre une journée d’absence – pour tous ceux qui ont un petit boulot pour payer leurs études » ajoute-t-elle. Pour autant, pour nombre de responsables de recrutement, elle sert principalement à faire une présélection, laquelle sera suivie par des entretiens en direct en face à face ou en vidéo. Ces derniers permettront de présenter l’entreprise, le poste et surtout de s’assurer que le profil matchera avec son futur manager. L’humain restera donc toujours au cœur du recrutement.