AccueilLe Gen Z Lab« Le conflit des générations n’existe pas » Jasmine Manet, Directrice Générale de Youth Forever

« Le conflit des générations n’existe pas » Jasmine Manet, Directrice Générale de Youth Forever

  • vendredi 13 septembre 2024
  • Noémie Kempf

Youth Forever, dirigée par Jasmine Manet, accompagne la jeunesse en favorisant le dialogue avec les entreprises. L'association aide les jeunes à développer leurs compétences et à s'intégrer dans un marché du travail en pleine mutation post-Covid.

Lorsqu’on demande à Jasmine Manet quelle est l’ambition de Youth Forever, l’association dont elle est Directrice Générale, elle répond sans hésiter : « depuis trois ans, nous œuvrons à rendre possible et accompagner le dialogue entre la jeunesse et les organisations. »

Un dialogue plus que nécessaire, quand on se penche sur les résultats d’une récente enquête Opinionway, qui souligne que la quasi-totalité de jeunes tient en compte la qualité du dialogue social, lorsqu’il s’agit de choisir leur entreprise. 

Pour répondre à ce défi de taille, l’association Youth Forever a vu le jour en 2021. Cette association, qui mobilise les employeurs pour la jeunesse, s’articule autour d’ateliers, d’un observatoire et de formations à destination des jeunes. Ces dernières visent à aider les nouveaux talents à prendre confiance en eux, à développer les soft skills et la posture nécessaires pour aborder le début de vie active sereinement.

De grands bouleversements dans le monde du travail

Premier sujet abordé avec Jasmine : les grandes conclusions tirées de ces dernières années à observer, interviewer et travailler au contact de la jeunesse. « Ce qui me semble le plus marquant, c’est d’observer que la crise du Covid-19, même quatre ans plus tard, a encore de profondes répercussions sur les jeunes. », explique-t-elle. 

Ces derniers, comme le précise Jasmine « sont très sensibles à la conjoncture, et les événements de ces dernières années les ont impactés et ont amplifié des tendances de fond. »

Des tendances de fond qui dessinent un tableau plutôt inquiétant pour la Gen Z :

  • Premier élément observé par Youth Forever : des indicateurs comme la confiance en l’avenir (plutôt basse) des jeunes, éléments et leur niveau de stress (généralement très haut). Jasmine et son équipe observent ainsi de nombreuses manifestations du stress des jeunes talents, allant jusqu’au burnout, à l’anxiété chronique… Et qui parfois, ont un véritable impact sur la santé physique des futurs travailleurs ;
  • Second élément livrant des indications précieuses sur les jeunes : l’indicateur financier. « Les jeunes, commence Jasmine, entrent souvent sur le marché du travail dans des conditions compliquées. Aujourd’hui, 40 % de la population jeune a un contrat dit ‘précaire’ (CDD, intérim, etc). Cette précarisation les inquiète, car elle est couplée à l’inflation et à l’augmentation des coûts de la vie. » Une situation qui explique pourquoi, encore aujourd’hui, la rémunération reste le critère principal de la Gen Z lors de la recherche d’un emploi !

Cependant, le tableau n’est pas si sombre, et justement, l’entreprise a un rôle crucial à jouer pour (re)donner confiance aux jeunes, tout en leur offrant des leviers d’actions pour tracer leur carrière. Jasmine le résume : « l’entreprise pour nous est un territoire d’impact, qui peut redonner confiance et goût au travail aux jeunes. »


Comprendre les attentes de la Gen Z et repenser l’entreprise

Pour Jasmine, c’est simple : les jeunes diplômés et les étudiants sont les architectes du monde du travail de demain? Ce sont eux qui s’apprêtent à transformer les modèles économiques, réinventer les dynamiques collectives, les modèles RH, les politiques d’attractivité, etc… « L’entreprise comme un territoire qu’il faut repenser. »

Mais avant de changer le monde (du travail), encore faut-il comprendre d’où on vient, et où l’on va ! À commencer par les aspirations de la Gen Z. Jasmine est réticente à nous livrer ces dernières car, selon elle, « on tombe vite dans un côté ‘liste de courses’ qui n’est pas représentatif de la pluralité des jeunes. »

Mais s’il ne fallait retenir que quelques éléments majeurs qui caractérisent les Z, ce seraient : 

  • De fortes exigences vis-à-vis de la transparence, une approche ’no bullshit’ attendue des employeurs. Autrement dit, une cohérence entre le discours et les actions. « Cela passe par exemple par la transparence salariale, en partageant des informations sur les écarts de rémunération, les sources de revenu de l’entreprise, etc. »
  • Jasmine observe aussi le retour à des échelles plus locales, à travers des équipes plus petites, plus soudées, un « noyau plus humain », comme elle le décrit. Mais aussi, la recherche de dynamiques plus collectives, un besoin de lien et de collaboration.
  • Autre point important pour les Z : le respect. « Ils souhaitent qu’on les écoute, qu’on prenne en compte ce qu’ils ont à dire, mais aussi tout simplement qu’on leur réponde lorsqu’ils candidatent ! » explique Jasmine
  • La Gen Z est également avide d’apprentissages. Il faut aujourd’hui se mettre dans une logique d’évolution continue pour maintenir l’employabilité de son profil. 
  • La flexibilité, elle aussi, est de mise, pour une génération lancée sur le marché du travail en plein Covid-19 et qui peine parfois à revenir au bureau ! 


Dépasser la vision biaisée de la fracture générationnelle

On parle souvent, ces dernières années, d’une forme de fracture générationnelle, qui opposerait les Z et leurs collègues plus seniors, notamment les baby boomers et la génération X. Jasmine brosse ce cliché d’un revers de main : « le conflit de générations n’existe pas. » 

En revanche, elle admet que l’intergénérationnel est un sujet - mais pas pour les bonnes raisons : « il y a une fracture, oui, dans le sens où il y a des frustrations au travail, des façons de le concevoir ou l’exprimer qui divergent. Mais fondamentalement, toutes les générations sont relativement alignées dans leurs aspirations. À mon sens, c’est un non sujet de se concentrer sur les différences générationnelles, car cela cache de vrais problèmes, souvent liés à un cadre négatif de travail et à l’organisation elle-même. » La faute, donc, à de mauvais processus RH, à la sélection de compétences inadaptées, ou encore à une culture de travail pas forcément bienveillante. Pour contrer ce problème, la vision de Jasmine est simple : « il faut trouver une nouvelle façon de construire des modèles RH : au lieu d’opposer les juniors et les seniors, on peut repenser les processus et les parcours de formation pour répondre aux enjeux communs de tous. »

Pour cela, Youth Forever a créé la Fresque du Parcours Jeune, un outil de facilitation qui cartographie moments forts du parcours d’un nouveau (jeune) collaborateur, de la rencontre jusqu’au départ, en passant par le recrutement et l’intégration. 

Dans l’entreprise, le processus se divise en trois phases : 

  • l’apprentissage (onboarding du jeune talent, découverte des codes de l’entreprise, montée en compétences et progrès dans son poste) ;
  • la confiance (le jeune talent est encouragé dans la prise d’initiatives, son périmètre évolue) ;
  • l’influence (le jeune regarde au-delà du poste, représente son entreprise à l’extérieur, fait du mécénat, forme des collaborateurs, etc). 


Se mettre à l’écoute des jeunes

Jasmine et son équipe travaillent ainsi avec les responsables RH sur ces différentes phases du parcours collaborateur. L’idée principale ? Confronter le décalage entre la perception des jeunes et les priorités des équipes RH, à chaque étape du parcours.

Car aujourd’hui, ce décalage est parfois très fort. Dans le cadre de l’enquête Jeunes Cons <3 Vieux Fous qui s’attaque au sujet de l’intergénérationnel, Jasmine observe plusieurs pain points très récurrents chez les Z, qui compliquent leur rapport aux autres générations (et au travail) : 

  • Le manque de rencontres : les jeunes et les seniors partagent rarement les mêmes bureaux, les mêmes cantines. « Il est essentiel de créer des espaces de vie et de travail, des zones informelles pour permettre la rencontre physique, voire même créer des projets pour créer des équipes intergénérationnelles au quotidien. »
  • Des écarts de canaux et de langage, des outils et des compétences qui divergent. La solution selon Jasmine ? « Il est important d’organiser des formations communes, pour avoir le même niveau d’information et ensuite travailler sur l’appropriation de chacun, pour construire un socle commun. »

Mettre en place des rituels pour favoriser le lien

La solution selon Jasmine pour ‘gommer’ la barrière générationnelle qui se construit parfois dans les entreprises ? « Il faut passer du temps ensemble pour créer du lien. C’est très simple mais efficace ! Ça peut être par le biais de l’organisation de tournois de foot de l’entreprise par exemple, ou le lancement de projets au service de causes… »

Outre les temps forts et fédérateurs, le quotidien est également un terrain de jeu passionnant : « il est intéressant de définir des règles et rituels d’équipes communes », précise Jasmine. Messages Slack, feedback ponctuel, visios à date et heure fixe - les petites choses du quotidien permettent d’harmoniser les façons de faire dans la gestion de projet. Et donc, de rapprocher les Z de leurs collègues plus expérimentés, en construisant des ponts solides !

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